Publié le 15 mars 2024

Au Québec, la loi est sans équivoque : vous n’avez le droit d’effectuer aucun travail sur le filage électrique de votre résidence, même changer une simple prise.

  • Toute intervention sur le câblage d’un bâtiment est l’exclusivité des maîtres électriciens membres de la CMEQ.
  • Le non-respect de cette règle peut entraîner des amendes, l’annulation de votre police d’assurance en cas de sinistre et une mise en danger de votre famille.

Recommandation : Pour tout besoin, de la prise défectueuse à la rénovation complète, la seule démarche sécuritaire et légale est de contacter un entrepreneur électricien détenant une licence valide de la RBQ (sous-catégorie 16).

Vous êtes habile de vos mains, vous avez regardé quelques tutoriels et l’idée de changer vous-même cette vieille prise de courant jaunie ou d’installer ce nouveau luminaire vous semble une excellente façon d’économiser. C’est une tentation que je comprends parfaitement. En tant que maître électricien membre de la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ), je rencontre chaque semaine des propriétaires bien intentionnés qui pensent qu’un « petit » travail d’électricité est à leur portée. Pourtant, la réalité légale et sécuritaire au Québec est bien différente et beaucoup plus stricte que ce que l’on imagine.

La question n’est pas de savoir si vous êtes capable de relier deux fils. La vraie question est de comprendre pourquoi le Code de construction du Québec, qui régit toutes les installations électriques, vous l’interdit formellement. Il ne s’agit pas d’un simple formalisme administratif, mais d’un ensemble de règles complexes basées sur des décennies d’analyse de risques. Des concepts comme la protection anti-arc, la compatibilité des matériaux anciens comme le filage en aluminium, ou la continuité de la mise à la terre ne sont pas des détails, mais les piliers de la sécurité de votre domicile.

Cet article n’a pas pour but de simplement vous dire « n’y touchez pas ». Mon objectif, en tant que professionnel, est de vous faire passer de l’autre côté du mur. Je vais vous décortiquer la logique derrière les normes les plus courantes que vous rencontrerez dans votre maison. Vous comprendrez pourquoi un tutoriel américain peut rendre votre installation illégale ici, pourquoi le nombre de prises dans votre cuisine est si réglementé, et comment un simple changement de tuyauterie peut compromettre toute la sécurité électrique de votre résidence. En comprenant le « pourquoi », l’obligation de faire appel à un expert ne vous apparaîtra plus comme une contrainte, mais comme une évidence pour protéger ce que vous avez de plus cher.

Pour vous guider à travers les méandres de la réglementation électrique québécoise, nous allons explorer ensemble les points névralgiques que tout propriétaire devrait connaître. Ce parcours vous donnera les clés pour dialoguer avec un professionnel et prendre des décisions éclairées pour la sécurité et la valeur de votre bien.

Disjoncteur anti-arc (DDFT) : pourquoi est-il obligatoire dans presque toutes les pièces ?

Vous avez probablement déjà entendu parler du disjoncteur qui saute quand on branche trop d’appareils. C’est le disjoncteur thermique-magnétique classique, conçu pour protéger contre les surcharges et les courts-circuits francs. Mais depuis l’adoption du Code de construction du Québec 2018, un nouveau type de protection est devenu la norme dans la plupart des pièces de vie : le disjoncteur de défaut d’arc, ou DDFT (AFCI en anglais). Sa mission est de détecter un danger beaucoup plus sournois et invisible : les arcs électriques de faible intensité.

Un arc électrique peut se produire lorsqu’un fil est endommagé (écrasé derrière un meuble, perforé par un clou) ou qu’une connexion est desserrée. Ces micro-étincelles créent une chaleur intense qui peut enflammer les matériaux environnants, étant une cause majeure d’incendies d’origine électrique. Un disjoncteur classique ne voit pas ce défaut, car l’intensité du courant reste sous le seuil de déclenchement. Le DDFT, lui, analyse la « signature » de l’onde électrique et coupe le courant dès qu’il détecte les caractéristiques d’un arc dangereux. C’est pourquoi il est maintenant obligatoire pour les circuits alimentant les chambres à coucher, les salons, et autres aires de vie dans les nouvelles constructions et les rénovations majeures.

Il ne faut pas le confondre avec le DDFI (disjoncteur-détecteur de fuite à la terre, ou GFCI), qui vous protège contre les chocs électriques en coupant le courant si une infime partie s’échappe vers la terre (par exemple, si un sèche-cheveux tombe dans l’eau). Le tableau suivant, basé sur la réglementation de la RBQ, clarifie ces distinctions essentielles.

Différences entre les protections de circuits électriques
Type de disjoncteur Protection contre Exemple de danger Obligatoire selon le Code 2018
DDFT/AFCI Arcs électriques Fil écrasé derrière un meuble Chambres, salons, salles familiales
DDFI/GFCI Fuites à la terre Sèche-cheveux tombé dans l’eau Salles de bain, cuisines, extérieur
Classique Surcharges et courts-circuits Trop d’appareils branchés Toutes les pièces (minimum)

L’installation de ces dispositifs est complexe et doit être réalisée dans le panneau électrique par un maître électricien. Tenter de le faire soi-même sans comprendre l’architecture complète du panneau est non seulement illégal, mais peut aussi neutraliser leur capacité de protection. Un propriétaire de Laval en a fait l’expérience lors de sa rénovation en 2019, où l’installation conforme de 6 DDFT par un professionnel, pour un coût total de 1200 $, était une condition non négociable pour obtenir l’approbation de l’inspecteur et maintenir sa couverture d’assurance.

Filage en aluminium des années 70 : devez-vous tout refaire pour être assuré ?

Si votre maison a été construite entre le milieu des années 60 et la fin des années 70, il y a de fortes chances qu’elle soit équipée d’un filage en aluminium. À l’époque, c’était une solution de rechange économique au cuivre. Aujourd’hui, c’est un drapeau rouge pour les assureurs et les acheteurs, mais pas nécessairement une condamnation à tout refaire. Le problème de l’aluminium n’est pas le fil lui-même, mais sa tendance à l’oxydation et à la dilatation thermique au niveau des points de connexion (prises, interrupteurs, luminaires).

Contrairement à l’oxyde de cuivre qui est conducteur, l’oxyde d’aluminium est un isolant. Au fil du temps, une fine couche invisible se forme sur les connexions, augmentant la résistance, provoquant des surchauffes et, ultimement, un risque d’incendie. De plus, l’aluminium se dilate et se contracte plus que le cuivre avec les changements de température, ce qui peut desserrer les vis des bornes et aggraver le problème. C’est un parfait exemple de non-conformité silencieuse : tout semble fonctionner, jusqu’au jour où ça ne fonctionne plus, de manière catastrophique.

Faut-il alors s’engager dans le remplacement complet et coûteux de tout le filage ? Pas forcément. Le Code et les assureurs reconnaissent des méthodes de correction permanentes et sécuritaires, à condition qu’elles soient effectuées par un maître électricien. Tenter d’appliquer ces correctifs sans la formation et les outils appropriés est extrêmement dangereux. Voici les solutions reconnues :

Gros plan sur l'installation d'un connecteur AlumiConn sur du filage d'aluminium avec mains d'électricien

La méthode la plus recommandée aujourd’hui est le « pigtailing » avec des connecteurs spécifiquement conçus pour l’aluminium, comme les connecteurs AlumiConn violets. L’électricien relie un court morceau de fil de cuivre à la prise ou à l’interrupteur, puis utilise ce connecteur spécial pour joindre le cuivre au fil d’aluminium existant. Ce connecteur contient une pâte antioxydante et assure une connexion mécanique stable et sécuritaire. C’est une solution beaucoup moins invasive que de refaire tout le filage, mais qui doit être appliquée à chaque point de connexion dans la maison.

  • Installation de connecteurs AlumiConn certifiés CSA : C’est la solution de choix pour une réparation permanente et sécuritaire sur toutes les connexions.
  • Application de pâte antioxydante : Une mesure corrective sur les connexions existantes, mais souvent considérée comme moins permanente que les connecteurs dédiés.
  • Pigtailing avec fils de cuivre : Utilisation de connecteurs approuvés pour joindre le fil d’aluminium à un fil de cuivre, qui se connecte ensuite à l’appareil.
  • Remplacement complet du filage : La solution définitive, mais la plus coûteuse et disruptive.

Prises de comptoir cuisine : combien en faut-il et où les placer selon le code ?

La cuisine est le cœur de la maison, mais c’est aussi une zone à haut risque électrique. L’omniprésence de l’eau et d’appareils énergivores a mené à l’établissement de règles très strictes dans le Code de l’électricité pour l’emplacement et le nombre de prises. L’objectif est double : assurer une alimentation adéquate pour éviter le recours dangereux aux rallonges et barres multiprises, et protéger les utilisateurs contre les chocs électriques.

La règle fondamentale pour les surfaces de comptoir est simple et précise : aucun point du comptoir ne doit être à plus de 90 cm d’une prise. Cela signifie concrètement que vous devez avoir une prise à moins de 90 cm du début de chaque surface de comptoir continue, puis des prises additionnelles espacées d’au plus 1.8 m. De plus, toutes les prises situées à moins de 1.5 m de l’évier doivent être protégées par un disjoncteur DDFI (protection contre les chocs électriques).

En plus de ces règles de base, les circuits de la cuisine sont soumis à des exigences particulières. Les prises de comptoir doivent être sur au moins deux circuits dédiés de 20 ampères, et ces circuits ne doivent alimenter que les prises de la cuisine et, potentiellement, la salle à manger. Il est formellement interdit de partager le circuit d’une prise de comptoir avec l’éclairage ou une prise dans une autre pièce. Ces erreurs, souvent commises lors de rénovations amateur, peuvent créer des surcharges dangereuses et sont des motifs de non-conformité immédiats lors d’une inspection.

Voici une liste des erreurs que je vois le plus souvent en tant qu’électricien et qui sont à proscrire absolument lors d’une rénovation de cuisine :

  • Erreur 1 : Installer des prises dans le coup-de-pied (plinthe). Ce n’est pas une solution conforme pour respecter les distances sur le comptoir.
  • Erreur 2 : Partager le circuit de la cuisine avec une autre pièce. Les circuits de cuisine doivent être dédiés pour gérer la charge élevée des appareils.
  • Erreur 3 : Oublier la prise DDFI à moins de 1.5m de l’évier. C’est une exigence de sécurité non négociable.
  • Erreur 4 : Placer une prise sur le dessus d’un îlot trop près de l’évier. L’eau et l’électricité ne font pas bon ménage; des règles strictes s’appliquent aux îlots.
  • Erreur 5 : Utiliser des rallonges permanentes pour le grille-pain ou la cafetière. C’est le signe d’une conception électrique déficiente et c’est une pratique non conforme et dangereuse.

Électricité au cabanon : enterrer le fil ou passer en aérien, quelle est la norme ?

Alimenter un cabanon, un garage détaché ou une piscine en électricité semble simple en théorie, mais c’est une opération qui implique de se conformer aux normes de distribution d’Hydro-Québec et au Code de construction. Les deux principales méthodes, l’alimentation aérienne et l’alimentation souterraine, ont chacune leurs avantages, leurs inconvénients et, surtout, leurs exigences techniques strictes.

L’alimentation aérienne est souvent moins coûteuse car elle ne requiert pas d’excavation. Cependant, le câble doit être certifié pour un usage extérieur et maintenu à une hauteur minimale réglementaire pour éviter tout contact accidentel. Au Québec, avec nos hivers rigoureux, le poids de la glace et du verglas sur le câble est une contrainte majeure à ne pas négliger, qui peut endommager les points d’ancrage. L’alimentation souterraine, quant à elle, est plus esthétique et beaucoup mieux protégée des intempéries. Son inconvénient majeur est le coût et la complexité de l’excavation. Le câble doit être enfoui dans une gaine (conduit) à une profondeur minimale pour être sous la ligne de gel et à l’abri des coups de pelle. Au Québec, cette profondeur est typiquement de 600 mm (24 pouces).

Avant même de penser à creuser, une étape est obligatoire et gratuite : contacter Info-Excavation. Comme le rappelle une norme d’Hydro-Québec sur les branchements, cet appel permet de localiser tous les services publics enfouis sur votre terrain (électricité, gaz, télécommunications). L’oubli de cette étape peut avoir des conséquences désastreuses. En 2023, un propriétaire de Sherbrooke a appris cette leçon à ses dépens en sectionnant une ligne de télécommunication, privant 50 foyers de service et s’exposant à des coûts de réparation importants.

Comparaison des méthodes d’alimentation électrique pour un cabanon au Québec
Méthode Avantages Inconvénients Norme requise Coût approximatif
Aérien Installation moins coûteuse, Accès facile pour réparations Vulnérable au verglas et poids de la glace Hauteur min. 3.7m, Câble certifié extérieur 800-1200 $
Souterrain Protection contre intempéries, Plus esthétique Excavation requise, Plus coûteux Profondeur min. 600 mm sous ligne de gel 1500-2500 $

Que vous choisissiez l’aérien ou le souterrain, le travail doit impérativement être planifié et exécuté par un maître électricien. Il saura choisir le bon calibre de fil en fonction de la distance et de la charge, assurera l’étanchéité des connexions et installera les protections requises (comme un panneau secondaire dans le cabanon si nécessaire).

Mise à la terre (Ground) : pourquoi brancher vos tuyaux d’eau au panneau électrique ?

La mise à la terre, ou le « ground », est sans doute le concept de sécurité électrique le plus fondamental et le plus mal compris. Ce fil de cuivre nu qui relie votre panneau électrique principal à une tige de métal plantée dans le sol (piquet de terre) ou, plus communément au Québec, à votre tuyauterie d’entrée d’eau principale en métal, n’est pas là pour « évacuer le surplus d’électricité ». Sa fonction est de créer un chemin de très faible résistance pour le courant en cas de défaut.

Imaginez qu’un fil sous tension à l’intérieur de votre lave-vaisselle se détache et touche la carcasse métallique. Sans mise à la terre, la carcasse devient électrifiée, attendant que quelqu’un la touche pour que le courant passe à travers son corps vers le sol. C’est un piège mortel. Avec une mise à la terre efficace, le courant de défaut s’écoule immédiatement par le fil de terre, créant un court-circuit massif qui fait sauter le disjoncteur instantanément, coupant l’alimentation et éliminant le danger. La tuyauterie métallique d’aqueduc est utilisée car elle offre une excellente connexion avec le sol sur une très grande surface.

Cependant, cette sécurité repose sur un principe crucial : la continuité. Or, les rénovations modernes peuvent involontairement briser cette continuité. C’est un point de vigilance majeur pour nous, les électriciens, surtout avec la popularité des tuyaux en plastique (PEX).

Si une section de la vieille plomberie en cuivre est remplacée par du PEX (plastique), la continuité de la mise à la terre est rompue. Il faut installer un pont de liaison (jumper) pour maintenir la sécurité.

– Guide technique CMEQ, Fiche de vérification installation électrique – CMEQ

Ce « pont de liaison » est un simple fil de cuivre qui contourne la section en plastique, assurant que le chemin vers la terre n’est jamais interrompu. Vérifier l’intégrité de votre mise à la terre est une opération qui doit être confiée à un professionnel, mais une inspection visuelle simple peut déjà vous donner des indices.

Votre plan de vérification : la mise à la terre

  1. Repérer le fil principal : Localisez le fil de cuivre nu (généralement de calibre 6) qui sort de votre panneau électrique principal et suit la tuyauterie d’eau froide.
  2. Inspecter la connexion : Vérifiez que ce fil est solidement fixé à l’entrée d’eau principale à l’aide d’un collier de serrage métallique. Assurez-vous que le collier et le fil ne sont pas corrodés ou desserrés.
  3. Détecter les interruptions : Suivez visuellement votre tuyauterie. Si vous voyez des sections de tuyaux en plastique (PEX, souvent rouge ou bleu) insérées sur la ligne métallique, assurez-vous qu’un fil de cuivre « saute » par-dessus ces sections pour maintenir le contact.
  4. Consulter un expert : Si vous avez le moindre doute ou si la connexion semble absente ou endommagée, contactez immédiatement un maître électricien. Ne tentez aucune réparation vous-même.
  5. Ne jamais déconnecter : Ne débranchez jamais ce fil intentionnellement. C’est le gardien de la sécurité électrique de votre maison.

Licence RBQ : comment savoir si votre entrepreneur a le droit de toucher à votre électricité ?

Vous avez compris qu’il vous faut un professionnel. Vous contactez donc un entrepreneur général pour rénover votre sous-sol. Il vous assure qu’il « s’occupe de tout », y compris l’ajout de quelques prises et lumières. C’est ici que se trouve le piège le plus courant pour les propriétaires. Au Québec, la loi qui encadre les travaux de construction est très claire et sépare rigoureusement les compétences.

Ce n’est pas parce qu’un entrepreneur détient une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) qu’il a le droit de toucher à votre système électrique. Les travaux d’électricité sont régis par une sous-catégorie de licence bien spécifique : la sous-catégorie 16, Entrepreneur en électricité. Seul un maître électricien, membre en règle de la CMEQ, peut détenir cette licence et exécuter ou superviser des travaux électriques. Un entrepreneur général, même s’il possède d’autres licences (comme 1.2 ou 1.3 pour les bâtiments résidentiels), n’a pas ce droit. Son obligation légale est de sous-traiter la partie électrique à une entreprise qui détient la licence 16.

La Corporation des maîtres électriciens du Québec est très ferme sur ce point pour protéger le public, car les conséquences d’un travail effectué par une personne non qualifiée peuvent être dramatiques.

Un entrepreneur général (sous-catégories 1.2, 1.3) n’a PAS le droit de faire les travaux d’électricité lui-même. Il doit obligatoirement sous-traiter à un maître électricien (sous-catégorie 16).

– Corporation des maîtres électriciens du Québec, Guide de conformité CMEQ 2024

Comment vous protéger ? C’est très simple. Avant de signer un contrat, demandez à votre entrepreneur le nom et le numéro de licence de l’entreprise d’électricité qui effectuera les travaux. Ensuite, rendez-vous sur le site de la RBQ et utilisez le « Registre des détenteurs de licence » pour vérifier deux choses : que la licence est bien valide et qu’elle inclut la fameuse sous-catégorie 16. Vous pouvez également utiliser le répertoire de la CMEQ pour trouver un maître électricien certifié dans votre région. Cette simple vérification de cinq minutes est votre meilleure assurance contre les malfaçons et les problèmes futurs avec votre assureur.

Pourquoi suivre un tutoriel vidéo américain peut rendre votre structure illégale au Québec ?

Avec internet, un monde de savoir-faire semble à portée de clic. Les tutoriels vidéo, souvent très bien produits, peuvent donner l’impression que n’importe quel travail est simple. C’est particulièrement vrai pour l’électricité, où des vidéos américaines populaires montrent comment installer une prise ou un gradateur en quelques minutes. Le problème ? Suivre ces instructions à la lettre au Québec peut non seulement être dangereux, mais aussi rendre votre installation instantanément non conforme et illégale.

La raison est simple : bien que le Canada et les États-Unis partagent des principes électriques de base, nos codes respectifs présentent des différences fondamentales. L’électricité au Québec est régie par le Code de construction du Québec, Chapitre V – Électricité, qui est basé sur le Code canadien de l’électricité (CCE), et non sur le National Electrical Code (NEC) américain. Voici quelques différences concrètes que le bricoleur amateur ignore souvent :

  • Code de couleurs des fils : Aux États-Unis, il est courant de voir des circuits 120V avec des fils noir (phase), blanc (neutre) et vert/nu (terre). Au Canada, pour un circuit simple, c’est similaire. Mais pour des circuits plus complexes, comme ceux contrôlés par plusieurs interrupteurs, nous utilisons une convention différente avec des fils noirs et rouges pour les phases. Se fier à une vidéo américaine peut mener à des branchements incorrects et dangereux.
  • Exigences sur les boîtiers : Le volume des boîtiers électriques (l’espace disponible pour les fils et les connexions) est calculé différemment. Un boîtier jugé adéquat par le NEC américain pourrait être considéré comme trop petit et donc non conforme au Québec, augmentant le risque de surchauffe par manque de dissipation d’air.
  • Types de câbles et usages : Certains types de câbles autorisés dans des situations spécifiques aux États-Unis (par exemple, le câble Romex dans certains types de constructions) peuvent avoir des restrictions d’usage différentes ici.
  • Normes d’appareils : Au Canada, tout équipement électrique doit porter une marque de certification reconnue par le Conseil canadien des normes, comme CSA, cUL, ou cETL. Un produit acheté en ligne sur un site américain peut n’avoir qu’une certification UL, qui n’est pas suffisante pour une installation légale au Québec.

Au-delà de ces points techniques, le principal danger est l’illusion de simplicité. Ces vidéos omettent le contexte légal : aux États-Unis, dans plusieurs États, un propriétaire a le droit de faire ses propres travaux électriques. Au Québec, c’est illégal. Suivre un tel tutoriel, c’est donc s’engager sciemment dans une voie illégale en se basant sur des normes techniques qui ne sont pas les nôtres.

À retenir

  • La loi québécoise interdit à tout non-professionnel d’intervenir sur le filage électrique d’un bâtiment. Seuls les maîtres électriciens certifiés (licence RBQ 16) sont autorisés.
  • Les normes de sécurité modernes comme les disjoncteurs DDFT (anti-arc) sont maintenant obligatoires dans la plupart des pièces pour prévenir les incendies.
  • Les installations anciennes (filage en aluminium) et les zones à risque (cuisines, extérieur) exigent des solutions techniques précises que seul un expert peut appliquer correctement.

Panneau 200 ampères : est-ce obligatoire pour assurer la valeur de revente de votre maison ?

La question du panneau électrique est souvent au cœur des discussions lors de l’achat ou de la rénovation d’une maison. Pendant des décennies, une entrée électrique de 100 ampères était la norme. Aujourd’hui, le panneau de 200 ampères est de plus en plus considéré comme le nouveau standard, mais est-il réellement obligatoire ? Légalement, non. Si votre installation de 100 ampères est conforme au Code en vigueur au moment de son installation et qu’elle n’est pas surchargée, rien ne vous oblige à la changer.

Cependant, la réalité de nos modes de vie a changé. L’électrification des transports (bornes de recharge pour véhicules électriques), le passage à des systèmes de chauffage à haute efficacité (thermopompes), et la multiplication des appareils énergivores font qu’un panneau de 100 ampères atteint rapidement ses limites. Un calcul de charge effectué par un maître électricien révélera souvent qu’il n’y a plus de capacité disponible pour ajouter de nouveaux circuits importants. Tenter de le faire quand même mène à des surcharges, des déclenchements intempestifs de disjoncteurs et, à terme, un risque pour la sécurité.

Du point de vue de la valeur de revente et de l’assurabilité, un panneau de 100 ampères, surtout s’il est ancien (avec des fusibles par exemple), est un signal d’alarme pour les acheteurs et les assureurs. Un acheteur potentiel anticipera le coût élevé (plusieurs milliers de dollars) du remplacement du panneau et de l’entrée électrique, et utilisera cet argument pour négocier le prix à la baisse. Certains assureurs peuvent même refuser de couvrir une maison avec une entrée de 60 ampères ou exiger une prime plus élevée pour une entrée de 100 ampères jugée insuffisante pour la taille de la maison.

Passer à 200 ampères n’est donc pas tant une obligation légale qu’un investissement stratégique. C’est se donner la capacité d’accueillir les technologies futures, d’augmenter l’attrait et la valeur de sa propriété, et de s’assurer une tranquillité d’esprit. C’est une mise à niveau majeure qui doit être effectuée par un maître électricien, car elle implique une coordination avec Hydro-Québec pour le changement du branchement et une mise en conformité complète de l’installation.

En résumé, l’électricité n’est pas un domaine où l’improvisation a sa place. Chaque règle du Code, de l’obligation du DDFT à la profondeur d’enfouissement d’un câble, est une leçon tirée d’incidents passés. Ignorer ces règles, c’est ignorer la sécurité de votre famille et la pérennité de votre investissement. La seule démarche sensée, légale et sécuritaire est de confier vos projets électriques, petits et grands, à ceux dont c’est le métier. Pour trouver un expert de confiance, consultez le répertoire de la Corporation des maîtres électriciens du Québec.

Rédigé par Patrick Desjardins, Maître électricien membre de la CMEQ et spécialiste en mécanique du bâtiment (CVAC). Expert en efficacité énergétique, domotique et systèmes de chauffage au Québec.